mercredi 16 avril 2008

PROFIL DE RAMA YADE: rebelle ou stratège ?


Le Monde - Gaffeuse ou frondeuse ? Ambitieuse ou impétueuse ? Rama Yade, 31 ans, secrétaire d’Etat chargée des Affaires étrangères et des Droits de l’homme, benjamine du gouvernement et chouchoute du Président, flirte avec la ligne jaune du diplomatiquement correct. Risque-t-elle la sortie de route ? Dernier accrochage en date, une interview au « Monde » *, où elle affirme que Nicolas Sarkozy n’assistera à la cérémonie des J.O. de Pékin qu’à trois « conditions ».
Rama Yade dément avoir employé ce terme lourd de sens. Trop tard, la déclaration colle à son image. « Tout le monde pense que je vais prendre une position extrême dès qu’il y a un problème quelque part », dit-elle, agacée que personne ne s’intéresse à son travail quotidien en faveur des droits de l’homme.
A travers ses déclarations, préparerait-elle le terrain, en sondant l’opinion pour le Président ? Quelques jours après l’interview de sa secrétaire d’Etat, Nicolas Sarkozy affirme qu’il déterminera « les conditions » de sa participation à la cérémonie d’ouverture. Alors, fausse gaffe ? Rama Yade reconnaît être la seule du gouvernement à s’« être fait convoquer deux fois en quelques mois ». La première, en septembre, par Matignon après sa visite à des squatters expulsés d’Aubervilliers. La deuxième par l’Elysée en décembre. La veille de la visite du président Kadhafi, elle avait déclaré : « [Il] doit comprendre que notre pays n’est pas un paillasson, sur lequel un dirigeant, terroriste ou non, peut venir s’essuyer les pieds du sang de ses forfaits. » Une prise de parole risquée, mais finalement payante. « Sa cote de popularité a grimpé juste après, observe Fayçal Douhane, membre du conseil national du PS et des clubs Averroes et XXIe siècle (comme elle). Elle dit ce que la majorité des Français pensent. » De son côté, Robert Ménard, de Reporters sans frontières, apprécie « ses impairs et ses cafouillages qui la rendent sympathique ». En pleine crise Kadhafi, Axel Poniatowski, président de la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée, affirme : « J’adhère à la quasi-totalité de ce qu’a dit Rama Yade. » Et Ségolène Royal qualifie ses déclarations de « courageuses et fermes ». Soutenue par la droite, bien vue par les ONG, Rama Yade semble plutôt en bonne posture...
Alors, ces écarts de conduite ne seraient-ils pas en réalité des dérapages ultracontrôlés ? « Après Aubervilliers, certains ont dit “c’est normal, elle est jeune”, mais tout ce que je dis ou fais est pesé, contrôlé, analysé, je suis entourée de diplomates », répond l’intéressée. « En tant que secrétaire d’Etat, son poids est minime, analyse Mariette Sineau, politologue au Centre de recherches politiques de Sciences-Po. Elle est sous contrôle, comme la plupart des membresdu gouvernement. » Sa marge de manoeuvre est réduite. « Je suis la ligne du Président, confirme Rama Yade, j’irai jusqu’où il voudra qu’on aille. » Et il la soutient pour l’instant. Car « Rama Yade représente un attribut symbolique important, ajoute Mariette Sineau. C’est une femme jeune, élevée en banlieue, diplômée de Sciences-Po, représentante des minorités visibles ». Et jouissant d’une réelle autonomie ? « Elle est facilement instrumentalisée par le gouvernement », rétorque Mariette Sineau. Ses mots de travers ? Démentis ou non, ils tombent souvent à pic. « Elle représente la petite voix qui proteste, ajoute la politologue. Elle incarne cette touche de diversité d’opinion au sein du gouvernement qui peut s’avérer politiquement utile. » Une parole qu’il peut facilement reprendre à son compte.

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