mardi 1 avril 2008

MARCHE DU RIZ: Vers une pénurie de tous les dangers


La hausse des prix et une peur croissant de la disette ont amené certains grands pays producteurs mondiaux de riz à annoncer une diminution drastique des exportations. De quoi faire craindre des pénuries dans les grands pays de consommation de la céréale comme le Sénégal. Des troubles ne sont pas à exclure, selon cet article du New York Times, 29 mars 2008.
Réactions en chaine. L’accroissement de la demande, les déséquilibres du commerce mondial, la baisse du dollar, sans oublier la spéculation - comme aux plus beaux jours de l’Ancien Régime - concourent au renchérissement des aliments de base. Après l’Afrique de l’Ouest, secouée par des émeutes, puis l’Egypte, voici l’Asie à son tour en proie à la violence et aux troubles. La « règle » du marché, loin d’attribuer à chacun sa juste part comme le prétendent ses zélateurs, amplifie et aiguise les tensions mondiales, au gré des dérèglements de forces devenues incontrôlables et irrationnelles. Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage, prophétisait en son temps Jaures. Faudra-t-il revivre à nouveau une sanglante catharsis pour que cette leçon redevienne nôtre ?
La hausse des prix et une peur croissante de la disette ont amené certains des premiers producteurs mondiaux de riz à annoncer une limitation drastique de leurs exportations en la matière. Le prix du riz, qui constitue un des composants de base du régime alimentaire de près de la moitié de la population mondiale, a presque doublé sur les marchés internationaux au cours des trois derniers mois.
Le budget de millions de pauvres Asiatiques s’en est trouvé amputé d’autant tandis que grandissent les craintes de désordres civils. Pénuries et hausses des prix de nombreux produits alimentaires ont généré ces derniers mois des tensions et mêmes des violences de par le monde. Depuis janvier, des milliers de soldats ont été déployés au Pakistan pour escorter les camions acheminant blé et farine. Des protestations ont éclaté en Indonésie du fait de la pénurie de pousses de soja, tandis que la Chine rétablissait le contrôle des prix de l’huile de cuisine, des céréales, de la viande, du lait et des œufs.
Des émeutes ont éclaté ces derniers mois, pour des raisons similaires, en Guinée, en Mauritanie, au Mexique, au Maroc, au Sénégal, en Ouzbékistan et au Yémen. Mais les décisions prises ces deux derniers jours par les nations exportatrices de riz - qui visent à garantir la satisfaction de leurs propres besoins grâce à leurs maigres disponibilités - ont mené les prix à de nouveaux sommets sur les marchés.
L’insécurité des nations importatrices s’en est trouvée renforcée, qui désespéraient déjà d’assurer leur approvisionnement. Mardi, le Président Philippin Gloria Macapagal Arroyo, craignant une aggravation de la pénurie de riz, a mission des enquêteurs gouvernementaux pour repérer les accapareurs.
Cette hausse du prix du riz promet d’accroître la pression sur les prix aux Etats-Unis, qui importent, selon l’Association des Producteurs de Riz des Etats-Unis, plus de 30 % du riz que les Américains consomment. L’an passé déjà, le prix du riz payé par le consommateur avait augmenté de plus de 8 %.
Mais les Etats-Unis ont la chance d’être également exportateurs de riz ; les pays pauvres comme la République du Sénégal en Afrique de l’Ouest ou les Îles Salomon dans le Pacifique Sud dépendent lourdement des importations et doivent aujourd’hui composer avec des factures plus élevées.
Le gouvernement vietnamien a annoncé vendredi qu’il réduirait cette année ses exportations de riz de près d’un quart. Il espère qu’en conservant davantage de riz pour sa consommation intérieure, le pays limitera la hausse des prix. Le même jour, l’Inde a interdit l’exportation de toutes les qualités de riz, à l’exception des plus onéreuses. L’Egypte a annoncé jeudi un moratoire de six mois sur les exportations de riz à compter du 1er avril, et, mercredi le Cambodge a gelé les exportations de riz, à l’exception de celles intervenant dans le cadre de l’activité des agences gouvernementales.
Les gouvernements d’Asie et ceux de nombreux pays d’Afrique consommateurs de riz s’inquiètent de longue date du fait qu’une hausse substantielle des prix pourrait générer une réaction de colère chez les habitants des villes aux faibles revenus.
« Des troubles ne sont pas à exclure, spécialement parce que les populations les plus affectées sont pauvres, urbaines et regroupées, et qu’ils peuvent plus facilement s’organiser que ne pourraient le faire par exemple des fermiers pour protester contre des prix trop bas, » affirmait Nicholas W. Minot, chargé de recherche senior à l’Institut de Recherche en Politiques Alimentaires Internationales de Washington. Différents facteurs contribuent à alimenter la hausse rapide des prix du riz. L’élévation du niveau de vie en Inde et en Chine s’est accompagnée d’une hausse de la demande. Dans le même temps, la sécheresse et d’autres problèmes climatiques ont réduit la production en Australie et ailleurs. De nombreux fermiers se tournent vers des productions plus rentables et réduisent les superficies agricoles affectées à la production de céréales. Urbanisation et industrialisation ont enfin réduit la quantité de terre consacrée à la riziculture.
Au Vietnam, un obscur virus a arrêté, depuis trois ans, la croissance jusque là continue des niveaux de production de riz. Selon Sushil Pandey, économiste agronome à l’Institut International de Recherche sur le Riz de Manille, jusqu’à ces dernières années, les probabilités d’évolutions rapides des prix étaient neutralisées par la tendance de nombreux gouvernements à constituer de larges réserves de riz afin de garantir leur sécurité alimentaire.

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